Balades en expertise comptable :
Les notions de travail salarié ou de travail indépendant

Révision Droit novembre 2021

Les notions de travail salarié ou de travail indépendant… décryptées par Jean-François Bocquillon et Martine Mariage, professeurs en classes préparatoires à l’expertise comptable, coauteurs des manuels DCG 1 à 3.

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Définition et éléments du contrat de travail

Selon la doctrine et la jurisprudence puisque – curieusement, pour un contrat qui s’applique à des millions de personnes, il n’existe pas de définition légale –, le contrat de travail est un contrat par lequel une personne physique ou morale (l’employeur) s’engage à fournir un travail rémunéré à une personne physique (le salarié) qui s’oblige à exécuter celui-ci en respectant les instructions qui lui sont données.
Cette définition fait apparaître trois éléments constitutifs :

  • un travail ;
  • une rémunération ;
  • l’existence d’un lien de subordination juridique entre le salarié et son employeur. Ce dernier critère est déterminant ; il distingue le contrat de travail de contrats voisins, comme le contrat d’entreprise qui est conclu entre un entrepreneur et un maître d’ouvrage. C’est également le cas du contrat conclu entre une personne et une autre qui en nettoie les vêtements.

Une prestation de travail aux formes diverses

La prestation de travail peut être :

  • manuelle (le maçon qui monte un mur) ;
  • intellectuelle (le comptable qui tient la comptabilité d’un commerçant) ;
  • artistique (une personne qui slame) ;
  • sportive, etc.

Dans tous ces cas, il s’agit de mettre sa force de travail, ses aptitudes à la disposition d’un employeur.

Une rémunération

Le contrat de travail est un contrat à titre onéreux. Une rémunération doit être versée ou promise. Elle peut consister en une somme d‘argent ou être fournie en nature. C’est un élément qui permet de différencier le contrat de travail des prestations bénévoles. Le bénévole peut recevoir de l’argent d’une association mais cet argent doit compenser des frais ou servir aux besoins quotidiens d’une personne ayant conclu un contrat d’engagement volontaire. Tout autre versement pourrait être analysé comme un salaire, ce qui permettrait de requalifier le contrat en contrat de travail.

La subordination juridique, élément essentiel du contrat de travail

Si l’on suit le célèbre arrêt Société générale de 1996, la subordination juridique est caractérisée par :

  • l’exécution d’un travail sous l’autorité d’une personne…
  • … qui a le pouvoir de donner des directives et des ordres…
  • … et qui contrôle l’exécution des directives et des ordres…
  • … et qui sanctionne les manquements du subordonné.

Qualification d’une situation en contrat de travail

Conditions de fait et faisceau d’indices

L’existence d’un contrat de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité, d’un faisceau d’indices, et non pas de la dénomination du contrat, des clauses ou de la volonté des parties.
Par exemple, les parties peuvent qualifier la relation de contrat de prestation de services mais, si le juge constate que les trois critères du contrat de travail sont validés, il requalifiera ce contrat en contrat de travail.
Pour effectuer ce travail de requalification, le juge recherche, dans le comportement des parties et à partir d’indices, l’existence d’un rapport de subordination.
Ces indices sont, par exemple, le comportement des parties, les relations qu’elles entretiennent, la direction et le contrôle du travail, la propriété du matériel, les horaires, le lieu de travail et les modalités de rémunération… C’est à celui qui revendique l’existence d’un contrat de travail de le prouver.

Dépendance économique et dépendance juridique

La dépendance économique ne suffit pas pour qualifier un contrat de contrat de travail.
Certes les indices de la dépendance économique jouent un rôle. Par exemple, les juges retiennent pour qualifier une relation d’affaires en contrat de travail l’absence de clientèle propre ou bien encore un travail exclusif pour un donneur d’ouvrage (ex. : cas d’un sous-traitant ou d’un kinésithérapeute dans un centre de thalassothérapie).
Pour qualifier un contrat de contrat de travail, il faut montrer l’existence d’une véritable subordination juridique. Celle-ci met l’accent sur l’exercice d’un pouvoir d’une personne sur une autre.

Des apparences parfois trompeuses…

Un contrat conclu par un chauffeur de taxi avec un loueur de véhicules dénommé par les parties « contrat de location » pourra être qualifié de contrat de travail. Ce sera également le cas d’un locataire placé en état de subordination juridique à l’égard du loueur de véhicules, ce dernier fixant le loyer et imposant des obligations nombreuses et strictes relatives à l’utilisation des véhicules.
Le problème s’est aussi posé dans le cas de participants à un jeu télévisé. L’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité. Les participants à une émission de téléréalité pourraient, selon les règles du jeu, être placés en état de subordination et leur contrat de participation requalifié en contrat de travail. Il en ira ainsi si l’organisateur du jeu impose des contraintes aux participants. Dans l’arrêt « L’Île de la tentation » (2009), la Cour de cassation avait relevé de nombreux indices de subordination comme le fait de participer à des activités imposées, d’être soumis à des horaires de réveil et de sommeil et de devoir participer à des répétitions, le tout sous la menace d’un renvoi en cas de non-respect des contraintes précédemment indiquées. La Haute Juridiction en avait conclu que les participants agissaient pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers, en vue de la production d’un bien à valeur économique. En pratique, il importait peu que cette activité soit ludique ou exempte de pénibilité.
Les conséquences de la qualification de contrat de travail sont nombreuses : paiement de cotisations sociales, application du droit du travail (congés payés, repos hebdomadaire, protection sociale…), ce qui impacte la vie d’une personne.

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