Balades en expertise comptable :
L’abandon de poste...

Actu Droit juillet 2024

Décryptée par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.

#Démission #RuptureContrat #19/04/2023

Abandon de poste

Définition de l’abandon de poste ?

La loi dite « marché du travail » du 21 décembre 2022 insère un nouvel article L 1237-1-1 dans le Code du travail qui encadre cette qualification. Elle est entrée en vigueur le 19 avril 2023 après publication du décret d’application.
L’abandon de poste consiste en une absence injustifiée et prolongée d’un salarié qui quitte son poste de travail, sans prévenir son supérieur hiérarchique ni indiquer une date de retour.

Absences injustifiées et abandon de poste 

Dans les faits, il faut différencier le cas de la mère de famille qui est appelée en urgence par l’école de son enfant et qui quitte son poste de travail sans prendre le temps de demander l’autorisation à son employeur, du cas d’un salarié qui quitte son travail et ne se manifeste pas pendant plusieurs jours. Ou encore du cas du salarié qui exerce son droit de retrait en cas de danger grave et imminent.

Abandon de poste et démission 

La démission est la rupture du contrat de travail à la seule initiative du salarié. Celle-ci ne se présume pas, elle doit être claire et non équivoque.
Par conséquent, un employeur ne peut pas considérer les absences prolongées et injustifiées de son salarié comme une volonté de sa part de démissionner.

Obligations de l’employeur en cas d’abandon de poste 

Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne revient pas travailler peut être mis en demeure par l’employeur de justifier son absence et de reprendre le travail
Une mise en demeure est un « acte par lequel un créancier demande à son débiteur d’exécuter ses obligations ».
Dans le cas d’un abandon de poste : l’employeur (créancier) rappelle au salarié (débiteur) ses obligations légales vis-à-vis de l’entreprise, et qui découlent de son contrat de travail.
La mise en demeure s’effectue par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Cette lettre a pour but de s’assurer que le salarié veut réellement quitter son emploi, de lui demander de fournir une justification ou de reprendre son poste dans un délai de 15 jours calendaires minimum à compter de la date de présentation de la mise en demeure.

De plus, la mise en demeure attire l’attention du salarié sur les conséquences d’une absence de réponse, concrètement : la présomption de démission et l’absence d’indemnisation du chômage.

La non réponse du salarié 

À défaut de réponse ou de justification légitime, le salarié est présumé avoir démissionné à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la présentation de la lettre.

Des motifs légitimes

L’application de cette présomption de démission est subordonnée au caractère volontaire de l’abandon de poste du salarié.
Le salarié peut se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment,

des raisons médicales,

l’exercice du droit de retrait et du droit de grève

le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation

ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Le salarié indique le motif qu’il invoque dans la réponse à la mise en demeure ou réintègre son poste de travail, et la présomption de démission tombe.

La procédure mise en œuvre par le salarié présumé démissionnaire

Le salarié peut contester la rupture de son contrat de travail devant le conseil de prud’hommes. Celui-ci doit statuer, dans le délai d’un mois, sur la nature de la rupture et ses effets.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, alors que la procédure devant le conseil de prud’hommes passe habituellement par une phase de conciliation.

Le juge peut considérer que cette démission est équivoque. Si ce caractère équivoque résulte d’un manquement de l’employeur, la démission sera requalifiée en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans le cas contraire, il s’agira d’une démission.

Conséquence de la présomption de démission

L’absence prolongée, injustifiée et non validée par le supérieur étant désormais assimilée à une présomption de démission, un salarié qui fait un abandon de poste ne peut plus prétendre aux indemnités chômage. 

Loi du LOI n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046771781
Article L 1237-1.1 du Code du travail
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000046773104

Article R1237-13 du Code du travail, décret du 17 avril 2023
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000047456645
Remarque : A la suite d’une question posée au Ministère du travail, il semble que la présomption de démission soit l’unique dispositif de rupture en cas d’abandon de poste, excluant donc la procédure de licenciement pour faute.

La réponse du Ministre publiée au JO du 24/10/2023
https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-11927QE.htm
Deux recours contre le décret d’application du 17 avril 2023 sont actuellement formés devant le Conseil d’Etat par le syndicat FO, et par les syndicats CGT, Solidaires et FSU. Ces affaires sont actuellement en cours d’instruction. A suivre donc.