Balades en expertise comptable :
La clause de non concurrence...
Révision Droit octobre 2024
Décryptée par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.
#Entreprise #EncadrementJuridique #Intérêt #Employeur
Clause de non concurrence
En fonction des profils et des fonctions occupées par un collaborateur, une clause de non-concurrence peut s’avérer indispensable pour protéger les intérêts d’une entreprise.
Le contenu de la clause de non concurrence
Cette clause est insérée dans le contrat de travail. Elle doit être écrite. Elle peut être aussi prévue par la convention collective qui couvre l’entreprise.
Elle indique qu’en cas de rupture du contrat de travail (démission, licenciement ou rupture conventionnelle), un ancien salarié s’engage à ne pas exercer une activité similaire chez un concurrent, voire pour son propre compte.
Toutefois, cette clause doit répondre à des conditions de validité sous peine d’être invalidée
L’encadrement juridique par les juges
C’est une clause qui limite la recherche d’emploi d’un salarié. Par conséquent la jurisprudence a créée des conditions de validité.
Ces conditions permettent
- de garantir la liberté d’exercice d’une activité professionnelle
- et d’éviter qu’un salarié ne se trouve dans l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle conforme à ses aptitudes, ses connaissances générales et sa formation professionnelle
Les conditions de validité
Cinq conditions de validité sont posées par la jurisprudence :
- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
- être limitée dans le temps,
- être limitée dans l’espace,
- tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, - et comporter une contrepartie financière pour le salarié.
L’examen de la validité de la clause
Pour examiner à la fois la liberté d’exercice d’une activité professionnelle et la possibilité pour le salarié de travailler, les juges doivent appliquer un principe de proportionnalité entre ces cinq conditions,
Pour cela, ils procèdent à une appréciation globale des faits, et ne pas s’arrêter uniquement à un critère.Les limites admises dans le temps
Même si la clause est limitée dans le temps et dans l’espace, le juge doit contrôler si elle est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.
L’intérêt légitime du bénéficiaire de la clause tient à la protection de son potentiel de développement, par exemple la protection de son portefeuille clients.La durée doit être raisonnable et doit s’apprécier au regard de la nature de l’emploi concerné. En règle générale, rares sont les clauses de non-concurrence qui dépassent deux ans.
La limite dans l’espace ?
Le périmètre géographique de l’interdiction de concurrence doit être clairement défini. A défaut, la clause de non-concurrence peut être annulée.
Ce périmètre géographique doit, par principe, être limité aux zones dans lesquelles l’activité de l’ancien salarié peut effectivement concurrencer l’entreprise.
Il peut s’étendre à toute la France mais encore faut-il que l’ancien salarié puisse continuer à exercer une activité professionnelle.
Les spécificités de l’emploi
La clause doit viser une activité spécifique. Elle ne peut pas interdire au salarié d’effectuer tout type d’emploi.
La clause doit donc être adaptée au profil du salarié et à l’emploi qu’il occupait.
Certaines clauses seront invalidées parce que le poste occupé par le salarié n’entraine pas d’atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise.
Par exemple une clause de non concurrence dans le contrat de travail d’un laveur de vitres a été invalidée par la Cour de cassation
La contrepartie financière ?
Cette somme est une indemnité compensatrice versée à l’ancien salarié pendant toute la durée d’application de la clause.
Elle a pour finalité de compenser la perte de revenu du salarié qui ne pourra pas occuper certains emplois du fait de l’application de cette clause.
Le montant est fixé en fonction de la durée de la clause et de l’impact que cette dernière aura sur le salarié et sa recherche d’emploi. Il ne saurait être dérisoire.Il est défini par l’employeur et le salarié dans le contrat de travail
La contrepartie financière est versée après la rupture du contrat de travail, par l’employeur en cas d’application de la clause même en cas de licenciement pour faute grave ou démission.
Le cas de non-respect de la clause par le salarié
Le non-respect de l’obligation de non-concurrence par le salarié le prive définitivement de la contrepartie financière, même si la violation a cessé.
La preuve de la violation de l’obligation de non-concurrence du salarié est à la charge de l’employeur. Mais ce n’est pas la seule conséquence.L’ancien salarié qui ne respecte pas son obligation de non-concurrence peut être condamné à rembourser les sommes qui lui ont déjà été versées au titre de la contrepartie financière.
Il peut aussi être condamné à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son ancien employeur.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de l’activité concurrente, de son préjudice et du lien de causalité entre le non-respect de l’obligation de non-concurrence et son préjudice.
L’intérêt d’une clause pénale
La clause de non concurrence peut s’accompagner d’une clause pénale.
Elle prévoit le montant des dommages et intérêts dus par le salarié en cas de non-respect de l’obligation de non-concurrence sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice.
Le nouvel employeur du salarié
La responsabilité du nouvel employeur pourrait être engagée s’il avait connaissance de l’existence de la clause de non concurrence.
L’employeur peut libérer le salarié de cette clause
L’employeur peut renoncer à l’exécution de ladite clause. Il doit le faire, au plus tard, à la date du départ effectif du salarié.
La renonciation doit être claire et non sujette à interprétation par l’employeur ou le salarié.
L’irrespect du formalisme de renonciation d’une clause de non-concurrence fait échec à sa validité.Quelques sources :
- Les cinq conditions de validité d’une clause de non-concurrence posées par la jurisprudence : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007046365/
- Protection de l’intérêt légitime : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028733995
- Protection de la clientèle : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026097655
- Une clause de non-concurrence ne peut être déclarée nulle au regard de sa seule étendue géographique : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038762896/
- La clause de non-concurrence d’un contrat de franchise invalidée : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045267177?init=true&page=1&query=20-12.885&searchField=ALL&tab_selection=all
- Non-respect de la clause par le salarié : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049053200?init=true&page=1&query=%C2%A022-20926+&searchField=ALL&tab_selection=all
- Le périmètre géographique : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038264986
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021516797
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043401251?init=true&page=1&query=19-22097&searchField=ALL&tab_selection=all - Contrepartie financière : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041975017
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028483459
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007054657 - Nullité de la clause : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032600401/
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033208819 - Formalisme de la renonciation : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049906518?cassDecision=ARRET&cassFormation=CHAMBRE_SOCIALE&init=true&isAdvancedResult=true&juridictionJudiciaire=Cour+de+cassation&page=3&pageSize=10&query=%7B%28%40ALL%5Bt%22*%22%5D%29%7D&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typeRecherche=date