Balades en expertise comptable :
La digitalisation du droit des sociétés par actions...

Actu Droit décembre 2024

Décryptée par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.

#AssembléeSA-SCA #LoiAttractivité #Digitale

La digitalisation du droit des sociétés par actions

Participation sans présence physique à une assemblée de SA ou de SCA 

Jusqu’à la loi Attractivité (13 juin 2024) il était possible que les statuts des SA et des SCA prévoient cette participation que l’on pourrait qualifiée de « digitale ». Cette référence aux statuts a été abrogée.

En clair, les assemblées générales, ordinaires et extraordinaires, et les assemblées spéciales pourront se tenir par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires.

Le recours à une mention des statuts n’est plus obligatoire (L. 225-103-1 C. com.).

Les participants à ces assemblées virtuelles seront réputés présents tant pour le calcul du quorum que pour celui de la majorité.

La décision de participation en distanciel ou en présentiel. Le droit d’exiger un déroulement en distanciel voire en présentiel.

La loi ne laisse aucun doute en ce domaine.

L’article L. 225-103-1 pose que les assemblées des SA, SCA et SE peuvent se tenir par un moyen de télécommunication. Il ne dit pas que ces assemblées doivent se tenir en présentiel ou en distanciel.

Par ailleurs, le même article ajoute que le recours à un moyen de télécommunication est indiqué dans l’avis de convocation.

En pratique, il laisse à l’auteur de la convocation le pouvoir de décider une réunion en présentiel ou en distanciel, intégral ou partiel.

Concrètement ce pouvoir est exercé par le conseil d’administration dans la SA gouvernée « à la française », le directoire dans la SA gouvernée « à la germanique » ou le gérant dans la SCA.

Une assemblée virtuelle 

Les statuts des SA et SCA peuvent prévoir que les assemblées générales, ordinaires et extraordinaires, et les assemblées spéciales se dérouleront exclusivement par un moyen de communication à distance permettant l’identification des actionnaires.

Cette possibilité est triplement encadrée.

D’abord, la digitalisation intégrale n’est pas ouverte aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (L. 22-10-38 C. com.). En clair, les sociétés cotées sont exclues de la digitalisation intégrale.

Peut-être faut-il voir dans cette exclusion une certaine méfiance envers le tout numérique pour des sociétés de taille très importante.

Ensuite, la dématérialisation intégrale s’effectue sans préjudice de l’article L. 225-107 C. com. Cet article pose que ceux que le numérique effraie ou ceux qui vivent dans des « zones blanches » pourront continuer, comme précédemment, de voter par correspondance.

Enfin, dans les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, les associés pourront s’opposer à ce que les assemblées générales extraordinaires soient tenues exclusivement à distance (L.225-103-1 C.com.).

Conditions à l’opposition

Un ou plusieurs actionnaires pourront s’opposer à la tenue virtuelle de l’assemblée générale extraordinaire. Ils devront représenter au moins 25% du capital social.

Ce droit d’opposition existait précédemment mais la condition était plus facile à valider puisqu’il s’agissait de réunir 5% du capital social.

La digitalisation des organes de direction avant la loi Attractivité

La possibilité de tenir une réunion du CA ou du CS à distance n’est pas une nouveauté de la loi Attractivité. Jusqu’ici la participation par voie dématérialisée était soumise à deux conditions :

- être autorisée par le règlement intérieur du conseil

- et ne pas être interdite par les statuts.

Par ailleurs, certaines délibérations, sous la forme dématérialisée, étaient interdites. Tels étaient, notamment, les cas des délibérations du CA relatives à l’établissement des comptes annuels, du rapport de gestion, des comptes consolidés (L. 225-37 et L.225-82 C. com.).

La digitalisation des organes de direction avec la loi Attractivité

La loi du 13 juin 2024 libéralise totalement la participation à distance aux travaux du CA ou du CS.

Dans les sociétés non cotées, elle pose que, sauf disposition contraire des statuts ou du règlement intérieur, la participation des membres des conseils par un moyen de télécommunication est possible.

Dans ce cas les MCA et MCS seront considérés comme présents pour le calcul du quorum et de la majorité.

Toutefois, les statuts pourront limiter la nature des décisions pouvant donner lieu à un délibéré à distance et prévoir un droit d’opposition au profit d’un nombre déterminé d’administrateurs ou de membres du CS (L. 225-37 et L. 225-82 C. com.).

Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé la situation sera légèrement différente.

Pour ces opérateurs économiques le rejet de la délibération à distance ne pourra plus être total.

Le règlement intérieur des conseils ou les statuts de ces sociétés devront préciser les décisions ne pouvant pas faire l’objet de délibérations à distance (L. 22-10-21-1 et L. 22-10-3-1 C.com.).

La consultation écrite et les organes de direction des SA et SCA

La consultation écrite pose un problème de gouvernance. Certes elle permet une prise de décision mais elle gomme toute discussion. Or, dans un monde très incertain, l’aspect délibératif des décisions ne doit pas être négligé.

Pour autant, la consultation écrite n’a pas que des défauts : elle permet une prise de décision rapide ; elle permet aussi de consulter des administrateurs éloignés du centre de décision de la société.

Jusqu’ici, en SA, certaines décisions pouvaient être prises par écrit.

Par exemple, la modification des statuts pour les mettre en conformité avec les évolutions législatives et réglementaires.

Par ailleurs, certaines décisions très importantes devaient obligatoirement faire l’objet de réunions physiques.

Citons par exemple, l’établissement des comptes annuels ou bien encore l’autorisation des conventions réglementées.

Précisons enfin que le recours à la consultation écrite était interdit en SCA (L. 225-37, L.225-82 et L.226-1 al.2 C. com.)

Les changements, opérés par la loi nouvelle

La loi nouvelle pose que les statuts peuvent autoriser le recours à la consultation écrite, y compris par voie électronique, comme modalité d’acceptation de toutes les décisions à prendre par les conseils d’administration et de surveillance.

Il est aussi possible de limiter la consultation écrite à certaines décisions, limitativement prévues par les statuts.

Par ailleurs, la loi réserve à chaque membre des conseils la possibilité de s’opposer à la consultation écrite (L. 225-37 et L. 226-4 C. com.).

Conclusion

Plusieurs objectifs sont fixés au droit des sociétés, en particulier un  objectif de facilitateur pour les entrepreneurs et les dirigeants sociaux.

Cet objectif peut entrer en conflit avec le second rôle que doit jouer le droit des sociétés, à savoir la protection des investisseurs, des actionnaires et des épargnants.

La loi du 13 juin 2024 est plutôt axée sur le premier objectif. Elle vise, notamment, à permettre la dématérialisation de la tenue des organes sociaux pour assurer une prise de décisions de ces organes dans tous les contextes.

Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049707573

Dossier législatif : accroitre le financement des entreprises et l’attractivité de la France

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/financement_entreprises_attractivite_France

Loi attractivité et droit des sociétés ; BRDA 15-16/2024 ; Editions F. Lefebvre