Balades en expertise comptable :
L’abus de confiance...

Révision Droit mai 2024

Décryptée par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.

#Délit #CodePénal #Détournement

L’abus de confiance après l’arrêt du 13 mars 2024

Qu’est-ce que l’abus de confiance ?

L’abus de confiance est un délit passible du tribunal correctionnel. Il repose sur trois éléments : légal, matériel et intentionnel. Il est visé par l’article 314-1 du Code pénal. Aux termes de ce texte « l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».

Les conditions préalables à l’abus de confiance

A la source de l’infraction il y a une relation de confiance. Cette relation de confiance se traduit par la remise d’une chose : fonds, valeur ou un bien quelconque.

A l’origine de la remise se trouve le titre c’est-à-dire la raison de la remise. Le Code pénal de 1810 faisait référence à la nature contractuelle du titre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et on peut, sans peine, imaginer d’autres titres que le contrat : un titre judiciaire ou un titre légal.

La chose remise est un bien, meuble ou immeuble. La question des immeubles est controversée. Longtemps on a considéré que l’immeuble n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 314-1 du Code pénal.

Un criminaliste aussi éminent qu’Emile Garçon considérait que « la propriété immobilière n’est pas exposée aux mêmes dangers que la propriété mobilière ». Par ailleurs, celui qui est confronté au détournement de son immeuble peut retrouver ses prérogatives grâce au droit de suite. En conséquence de cette analyse, en 2001, la Cour de cassation avait posé que « l’abus de confiance ne peut portait que sur des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à l’exclusion d’un immeuble ».

Dans les années qui ont suivi la jurisprudence a amorcé un changement de position qui a abouti à l’arrêt du 13 mars 2024. Selon celui-ci « l’abus de confiance peut porter sur un bien quelconque en ce compris un immeuble ».

Les éléments matériels de l’infraction

Les deux éléments matériels sont le détournement et le préjudice.

Il existe différentes formes de détournement : la dissipation, la rétention et la désaffectation. L’auteur qui dissipe le bien rend sa restitution impossible. Par exemple, il a détruit le bien ou il l’a vendu.

Dans la rétention, le détenteur, entend conserver la chose au-delà de la date prévue. Cette forme de détournement peut poser problème car le détenteur peut toujours arguer d’un simple retard. Mais n’est pas en retard celui qui se comporte, vis-à-vis de la chose, comme un légitime propriétaire.

Dans la désaffectation, l’auteur use du bien d’une manière différente de celle prévue. Par exemple, A prête un bien à B et ce dernier, avant de le rendre, le loue et empoche les loyers. B a utilisé le bien d’une autre manière que celle convenue et en empochant les loyers, B s’est comporté comme le véritable propriétaire.

Le deuxième élément matériel c’est le préjudice. Pour la Cour de cassation le préjudice doit être apprécié au moment du détournement. Il est, bien sûr matériel, mais il peut être aussi moral, voire éventuel puisque, pour la cour régulatrice, le préjudice est inclus dans le détournement.

L’élément intentionnel de l’infraction

L’abus de confiance est un délit intentionnel. L’auteur a détourné la chose alors qu’il connaissait le caractère précaire de sa détention et qu’il avait conscience de ne pas pouvoir agir de la sorte.

Une personne physique qui commet un abus de confiance encourt 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende. A cela pourraient s’ajouter d’éventuelles peines complémentaires. Pour une personne morale l’amende est portée au quintuple.

Article 314-1 Code pénal :

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042780077/2020-12-27

Cass. crim. 10 octobre 2001, n° 00-87.605, D 2002.1796, obs B de Lamy

Cass. crim 13 mars 2014, n° 22-83.689