Balades en expertise comptable :
Les influenceurs et le droit écrit...
Actu Droit septembre 2023
Décrypté par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.
#Influenceurs #Rémunération #Hébergeurs #DGCCRF
Les influenceurs et le droit
LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Longtemps ignoré, l’influenceur est au centre des attentions dans un univers numérique un peu fou et de nombreuses arnaques.
La France en compterait 15000. Une minorité en fait son métier à temps plein. En 2021, un internaute sur 4 déclarait suivre un influenceur sur les réseaux sociaux, et parmi eux 3 sur 5 reconnaissaient suivre leurs recommandations d’achat
Ce secteur qui prend chaque jour une place de plus en plus importante dans la société de consommation nécessite une structuration et un encadrement.
C’est pourquoi, le Parlement a voté une loi publié au JO n°133 du 10 juin 2023 réglementant ce statut d’influenceur
Définition d’un influenceur ?
La loi définit ainsi un influenceur :
Une personne physique ou morale qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque. L’activité d’influence commerciale s’exerce par voie électronique
Deux critères permettent ainsi de définir un influenceur : l’activité et la rémunération
Le critère de l’activité
Les influenceurs mobilisent leur notoriété pour communiquer en public, par voie électronique (concrètement notamment par les réseaux sociaux) des contenus assurant la promotion de biens ou de cause. On parle de marketing d’influence, qui représente près d’un quart des dépenses numériques des annonceurs
Le critère de la rémunération
Aux termes de la loi l’influenceur doit recevoir une forme de contrepartie. Le texte évoque deux types de contreparties : le bénéfice économique ET l’avantage en nature. Dans les deux cas le montant devrait être supérieur à un seuil fixé par décret.
Les deux formes de rémunération ?
Quand on parle de bénéfice économique on entend une forme de rémunération. Par exemple, on peut imaginer que certains influenceurs sont payés directement par des marques pour promouvoir des produits sur le net. Rappelons qu’en France près de 42 millions de consommateurs utilisent internet pour procéder à des achats. Et que la moitié d’entre eux le font grâce à un téléphone portable.
Cette forme de rémunération pourrait concerner les méga-influenceurs, ceux qui ont plus de 3 millions d’abonnés.
La seconde forme de rémunération concerne l’avantage en nature. Dans ce deuxième cas l’influenceur se fait rémunérer par la remise de produits, par exemple du maquillage. Cette forme de rémunération pourrait concerner les nano-influenceurs, ceux qui ont moins de 10 000 abonnés.
La réaffirmation de l’application de dispositions existantes applicables aux influenceurs
Il s’agit d’appliquer le Code de la publicité et d’autres législations déjà existantes (comme la loi Evin) à certaines catégories de produits comme l’alcool, la cigarette ou encore les paris en ligne.
Ainsi, à l’avenir, les influenceurs devront apposer des mentions sur les contenus mettant en scène ce type de produits ou de services.
Ils devront aussi préciser lorsqu’ils utilisent des filtres ou ont fait des retouches visuelles, dès lors que le produit est de nature cosmétique.
Des interdictions
La loi fixe des interdictions pures et simples de faire la promotion de certains produits et pratiques : traitements thérapeutiques, chirurgie esthétique, médicaments, jeux d’argent et paris en ligne, produits à base de nicotine, certains produits financiers notamment les crypto monnaies etc.
Le contrôle des revenus des influenceurs
Les influenceurs devront déclarer des revenus générés par les partenariats publicitaires
En plus de ces déclarations, les partenariats publicitaires devront être plus transparents.
Ce qui vient renforcer l’obligation déjà existante de mentionner de façon claire et explicite l’intention commerciale des publications influenceurs lorsqu’elles sont sponsorisées par une entreprise.
La promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque doit être explicitement indiquée par la mention « Publicité » ou la mention « Collaboration commerciale ».
Cette mention est claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.
L’absence d’indication de la véritable intention commerciale d’une communication, constitue une pratique commerciale trompeuse par omission.
Les contrats des agents réglementés.
La loi a défini cette activité d’agent et réglemente le contrat.
L’activité d’agent d’influenceur consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque.
Le contrat passé est, sous peine de nullité, rédigé par écrit et comporte notamment des mentions et des clauses obligatoires : par exemple la nature des missions confiées, la contrepartie perçue par l’influenceur, la rémunération en numéraire ou les modalités de sa détermination.
Le cas des hébergeurs.
Les fournisseurs de services d’hébergement doivent mettent en place des mécanismes permettant de leur signaler la présence au sein de leur service, d’éléments d’information spécifiques que le particulier ou l’entité considère comme du contenu illicite. Ces signalements, de personnes de confiance, doivent être traités prioritairement.
Les plateformes peuvent d’elles-mêmes décider de suspendre temporairement ou définitivement un compte dans le cas de non-respect de la loi ou de leurs conditions générales.
Enfin, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ) a le pouvoir de demander à la plateforme diverses mesures visant à faire cesser les contenus illicites dès lors qu’un influenceur commet une infraction au Code de la consommation et qu’il ne répond pas à une injonction adressée par ses services.
L’action en réparation fondée sur la concurrence déloyale pour dénigrement ou parasitisme.
Le dénigrement vise à porter atteinte à une entreprise dans le but de lui nuire, notamment en procédant au détournement de sa clientèle, en vertu de propos, exacts ou non, de nature à discréditer l’entreprise, ou les produits ou services qu’elle propose.
Le parasitisme est défini par la Cour de cassation comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit de ses efforts, de son savoir-faire, ou de sa notoriété médiatiqu e.
Ces deux situations peuvent tout à fait s’inscrire dans le contexte d’intervention d’un influenceur.
Ces actions seront diligentées par le concurrent évoqué.
La lutte contre les pratiques frauduleuses
Les ados sont particulièrement sensibles à ces influenceurs qui, pour certains, ont une forte efficacité. Il existe un âge minimum pour s’inscrire sur les réseaux sociaux (particulièrement Instagram pour le citer) qui est 13 ans, même s’ il est souvent contourné.
Il existe un important dispositif de sanctions déjà existantes et applicables, ou renforcée par la loi.
Les pratiques peuvent être qualifiées de pratiques commerciales trompeuses, sanctionnées d’une peine d’emprisonnement de deux ans (voire 7 en cas de circonstances aggravantes) et d’une amende de 300 000 euros.
Les différentes interdictions de publicité font par ailleurs l’objet de sanctions spécifiques, pouvant aller jusqu’à deux ans de prisons et 300.000 euros d’amendes, et d’une éventuelle peine complémentaire d’interdiction de l’activité d’influence commerciale, voire d’autres activités
En matière de lutte contre ces pratiques une brigade de l’influence commerciale d’une quinzaine d’agents va être créée. Et dépendre de la DGCCRF. Elle va notamment surveiller les réseaux sociaux et traiter les signalements des utilisateurs ou victimes d’abus.
Les influenceurs exerçant depuis l’étranger.
La loi s’applique à l’ensemble des influenceurs, quelle que soit leur localisation, dès lors qu’ils s’adressent à un public français.
Ils vont avoir l’obligation de souscrire une police d’assurance de responsabilité civile en France. Ce qui permettra aux futures éventuelles victimes d’arnaques d’être indemnisées plus rapidement en cas d’abus.
JO N°133 loi 10 juin 2023 Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047663185
Guide de bonne conduite : https://www.economie.gouv.fr/influenceurs-quels-sont-mes-devoirs
Observatoire de l’influence responsable : https://www.arpp.org/actualite/observatoire-influence-responsable-2021-2022/
Une plainte déposée contre des influenceurs pour escroquerie et abus de confiance : https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2023/01/23/une-plainte-deposee-contre-des-influenceurs-pour-escroquerie-et-abus-de-confiance_6158970_1653578.html