Balades en expertise comptable :
Plateformes et Règlement sur les services numériques...

Actu Droit mars 2024

Décryptée par Martine Mariage et Jean-François Bocquillon, professeur en classes préparatoires à l’expertise comptable et coauteurs des manuels DCG 1 à 3 « Expert Sup » Dunod.

#DigitalServicesAct #ContenusPréjudiciables #ProtectionDesMineurs

Plateformes et « Digital Services Act » (en français règlement sur les services numériques).

Le Digital Services Act (DSA) est un règlement européen (2022/265 du 19 octobre 2022) qui concerne toutes les entreprises fournissant des services dits « intermédiaires » aux internautes européens, que ces services soient établis dans ou hors de l’Union européenne.

Notion de service intermédiaire

Le règlement concerne les services de transport de l’information sur un réseau de communication, de « mise en cache » (qui permet de stocker des données plus rapidement), des services de stockage automatique des informations transmises et des services d’hébergement.

Concrètement, sont concernés, notamment, des plateformes comme par exemple Google Play, Instagram, Tik Tok mais aussi des moteurs de recherche comme Bing ou Google Search.

L’objectif du DSA

Le règlement sur les services numériques a pour but de construire un espace numérique unique et harmonisé à l’échelle européenne, à la fois protecteur des publics et respectueux des libertés de chacun.

L’objectif est de responsabiliser les acteurs du numérique afin qu’ils luttent :

  • contre la propagation sur leurs services de contenus illicites ;
  • contre des pratiques contestables comme la publicité ciblée ;
  • contre des interfaces trompeuses.

Les obligations de ces fournisseurs de services intermédiaires ou FSI

Le DSA promeut

  • la transparence et l’information des destinataires des services ;
  • la lutte contre les contenus illicites ;
  • l’organisation du traitement des risques, notamment par l’interdiction de certaines techniques de publicité et la protection des mineurs.

Le premier axe : la transparence et l’information des destinataires de services

La matière est commandée par deux maitres mots « clarification » et « facilitation ».
Les plateformes doivent :

  • proposer des conditions générales d’utilisation formulées dans un langage clair, simple, intelligible, aisément abordable et dépourvu d’ambiguïté ;
  • adopter des systèmes de traitement des réclamations faciles d’accès et d’utilisation ;
  • clarifier leurs règles de modération des contenus et permettre aux utilisateurs de contester facilement si leur compte est bloqué ou suspendu ;
  • clarifier le fonctionnement des algorithmes qui leur servent à recommander des publicités.

Le deuxième axe : La lutte contre les contenus illicites

C’est l’un des objectifs du DAS : la lutte contre le racisme, les propos homophobes, les propos sexistes … mais aussi la promotion de produits illicites ou encore l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle

Les plateformes sont alors soumises aux obligations suivantes :

  • proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement les contenus illicites.
  • Une fois le signalement effectué, elles devront rapidement retirer ou bloquer l’accès au contenu illégal.

Si la législation sur les services numériques vise à encourager la suppression des contenus illicites, il faut différencier ces contenus illicites des contenus préjudiciables

Notion de contenus préjudiciables

Les contenus illicites le sont en tant que tels (« per se »), autrement dit ce qui est illicite hors ligne l’est aussi en ligne
Les contenus préjudiciables sont la désinformation, les canulars, la manipulation…. Le texte a pour but de limiter leur propagation, non par leur suppression, ce qui serait contraire à la liberté d’expression, mais en exigeant des plateformes qu’elles revoient les mécanismes (algorithmes) permettant leur amplification.
Ces contenus préjudiciables font également l’objet aujourd’hui d’une régulation européenne non contraignante, notamment via les codes de bonnes pratiques contre la désinformation, signés par plusieurs grandes entreprises.

Le troisième axe : l’organisation du traitement des risques

Les plateformes utilisent des techniques manipulatrices, appelées « dark patterns » ou « pièges à utilisateurs ».

Les « dark patterns » sont des interfaces internet truquées ou trompeuses, des messages textuels, des présentations ou des fonctionnalités particulières, volontairement conçus pour vous pousser à faire des choix que vous n’auriez pas fait en leur absence.

Exemples :

  • Plus que 2 articles en stock !
  • 5 personnes regardent la même page
  • les boutons ou icônes « refuser » sont moins visibles,
  • Les fonctions « se désabonner » ou « supprimer les options » etc… nécessitent des recherches fastidieuses avant d’apparaître.

Ces techniques influencent le comportement des consommateurs et les incitent à cliquer, acheter, s’abonner ou fournir des données personnelles.

Elles sont désormais interdites.

La publicité ciblée

La publicité ciblée (ou personnalisée) est une technique publicitaire qui vise à identifier les personnes individuellement afin de leur diffuser des messages publicitaires spécifiques en fonction de caractéristiques individuelles.

Elle nécessite donc de connaître la personne consultant la publicité et de disposer d’informations sur elle afin de choisir un contenu publicitaire plus susceptible de la faire interagir, par exemple concernant l’un de ses centres d’intérêt supposés ou une intention d’achat. Pour cela, les acteurs de la publicité constituent des « profils » qui sont associés aux utilisateurs grâce à des traceurs comme des cookies.
Le DSA, interdit la publicité ciblée et des systèmes de recommandation alternatifs doivent être proposés aux usagers

La protection des mineurs

Le DSA n’interdit pas aux plateformes de s’adresser aux mineurs. Mais encore faut-il qu’elles mettent en place des mesures appropriées et proportionnées pour leur garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de sûreté et de sécurité.

Les sanctions

Il existe un partage des compétences entre la Commission européenne et les autorités nationales.

Certains FSI relèvent de la Commission, en clair les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche. Les autres relèvent des autorités nationales.
Mais dans un cas comme dans l’autre, quand un FSI viole le DSA, il encourt une amende.

Le taux maximum de l’amende est de 6 %. La base est le chiffre d’affaires mondial annuel du FSI réalisé au cours de l’exercice précédent.

La Commission dispose d’un pouvoir exclusif de supervision des très grandes plateformes en ligne et des très grands moteurs de recherche, que financent d’ailleurs les plateformes elles-mêmes par une redevance de 0.05% maximum de leur revenu net annuel mondial. Cette taxe est fortement contestée.

Un représentant légal dans un pays de l’UE

Le DSA impose à toutes les entreprises fournissant des services en ligne aux Européens de désigner un représentant légal dans au moins un pays de l’UE.
Celui-ci doit par exemple obéir à toute demande de retrait de contenu ou de produit dangereux de la part de l’un des 27 Etats membres.

Les organismes chargés de contrôler l’application du DAS en France

Selon le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, plusieurs dispositifs sont prévus (en attente de réunion de la commission mixte paritaire).
D’une part, l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) est désignée en tant que "coordinateur des services numériques" en France. Elle peut enquêter, saisir la justice si elle constate des irrégularités et même sanctionner directement une entreprise dans certaines situations.

D’autre part, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est désignée comme l’autorité chargée de contrôler le respect des obligations des fournisseurs de market places.

Les signaleurs de confiance

Les associations, entités, organisations, individus, reconnus pour leurs expertises et leurs compétences (protection de l’enfance, lutte contre le cyber-harcèlement, ...), sont invités à postuler au statut de "signaleurs de confiance".

Ils disposeront notamment d’un accès aux plateformes simplifié et verront leurs signalements de contenus illicites traités en priorité par les plateformes. Les plateformes doivent coopérer avec ces « signaleurs de confiance ».

Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques)

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32022R2065

Missions de l’ARCOM

https://www.arcom.fr/nous-connaitre/nos-missions/superviser-les-plateformes-en-ligne-et-les-reseaux-sociaux